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eu le don d’éclairer ces matières. Un seul article de lui, sur Mahomet ou sur le Bouddhisme, nous en a plus appris sur l’islamisme, ou sur Çakya-Mouni, que les volumes laborieux du vénérable Barthélemy-Saint-Hilaire, dont tant de lecteurs ignorent jusqu’à l’existence ; — et ils font bien ! Renan, lui, dans ces sujets, évoluait, si j’ose ainsi dire, comme dans son élément ou dans son atmosphère naturelle. Les grâces de son style y faisaient merveilles. Et, à la vérité, je l’ai dit et je le répète, quelque mauvais goût s’y mêlait bien parfois, comme quand il expliquait les miracles de l’Évangile par cette plaisanterie d’étudiant : « Qui oserait dire que dans beaucoup de cas…, le contact d’une personne exquise ne vaut pas les ressources de la pharmacie[1] ? » Mais — puisqu’il est question de pharmacie — le philtre ou le charme opérait tout de même. On était surpris, étonné, heureux, un peu fier de s’intéresser à des questions qu’on eût cru les plus ennuyeuses du monde, et qui l’étaient à fond, sous la plume des autres. Elles

  1. C’est exactement le ton des plaisanteries de Voltaire, car je ne veux pas croire que Renan fût sérieux quand il écrivait cette phrase.