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vantage, en ce temps-là, dans le silence de l’Empire, pour conférer à un homme toute la notoriété dont les journaux disposent, et, le succès — ou le scandale — de la Vie de Jésus s’y ajoutant à quelques mois d’intervalle, Renan devenait un personnage dans l’opinion[1].

Il n’y devait pas résister ; et il faut convenir que jamais, peut-être, popularité plus rapide et plus étendue ne produisit sur un homme d’effets plus désastreux. On vit alors un nouveau Renan, disons mieux, le vrai Renan se dégager de l’humble et modeste hébraïsant qu’on avait connu jusqu’alors. L’orgueil, un incommensurable orgueil, qu’il excellait à cacher sous les

  1. Ce passage demande une courte rectification. Ce n’est pas Victor Duruy, c’est M. Rouland qui dut suspendre le cours de Renan ; mais la suspension n’était pas une solution ; et ce fut Victor Duruy qui se trouva quelques mois plus tard hériter de l’affaire. La Vie de Jésus avait paru dans l’intervalle. Mais ce fut bien encore Victor Duruy qui proposa la compensation de la Bibliothèque nationale, et Renan ne la refusa pas tout de suite. Il négociait encore quand il lança son Pecunia tua tecum sit, et Victor Duruy, dans ses Notes et Souvenirs, estime, et à bon droit, qu’il n’avait pas mérité, lui, Duruy, de recevoir au visage cette réplique un peu emphatique.

    Voyez sur l’allaire, en même temps que les Notes et Souvenirs de Victor Duruy, le volume de Renan : Questions contemporaines : La chaire d’hébreu au Collège de France. La leçon d’ouverture du cours du Collège de France, occasion et cause première de la révocation de Renan, parue d’abord en brochure, 1862, a été réimprimée en tête du volume intitulé : Mélanges d’histoire et de voyages, 1890.