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qui jouissent d’une réputation justement méritée, et auxquels il ne m’était guère permis de ne pas répondre.

Depuis la date de l’avertissement placé au commencement du présent volume, ont paru simultanément en France, en Espagne, en Portugal, en Allemagne, en Angleterre[1], et ailleurs plusieurs ouvrages bibliographiques d’une grande importance, et que nous avons portés dans notre Table méthodique, ainsi qu’un certain nombre de catalogues fort curieux, au nombre desquels se font particulièrement remarquer : 1o celui de l’admirable collection de M. Armand Cigongne, achetée en totalité par M. le duc d’Aumale ; 2o celui de la bibliothèque plus variée de M. Félix Solar, dont la vente a produit quelque chose comme 500 000 fr. ; 3o celui d’un petit choix de livres plus précicux encorc qu’avait formé, en moins de trois années, M. Léopold Double, mais qu’il s’est trop pressé, selon nous, de livrer à la chaleur des enchères.


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OBSERVATIONS


SUR CE QU’IL FAUT ENTENDRE PAR LIVRES RARES ET PRÉCIEUX, ET CONSIDÉRATIONS SUR LEURS PRIX.

La rareté des livres et leurs prix sont deux choses qui dépendent presque toujours l’une de l’autre, soit que, comme cela est le plus ordinaire, la rareté devienne la principale cause de l’élévation du prix, soit qu’au contraire cette rareté provienne du haut prix auquel des livres d’une fabrication dispendieuse ont dû primitivement être portés par leurs éditeurs ; ce qui nécessairement en a beaucoup limité la circulation. Il est donc naturel que nous réunissions dans une même notice tout ce que nous avons à dire sur ces deux points si essentiellement liés aux détails bibliographiques répandus dans notre Dictionnaire. Mais avant d’aborder ce sujet curieux, nous devons nous expliquer sur la manière dont nous comprenons la signification du mot rare appliqué aux livres. Cette épithète, prise dans sa plus large acception, peut à la rigueur convenir à tout ouvrage qui ne se trouve plus facilement chez les libraires ; c’est-à-dire à presque tous les livres anciens, et surtout à ceux qui n’ont eu qu’une seule édition, ou dont très-peu d’exemplaires sont restés dans le commerce. Dans cette hypothèse, les livres rares, on peut bien le croire, seraient en plus grand nombre que ceux qui ne le sont pas, et toutes nos anciennes bibliothèques s’en trouveraient remplies. Mais ce n’est pas ainsi que nous l’entendons, car, à notre avis, il serait abusif de donner la qualification de rares à tant de livres sans intérèt, dont on peut dire avec raison que les lecteurs sont encore plus rares que les exemplaires, et à tant d’autres surtout que personne ne se soucie de connaître, Pour qu’un livre mérite

  1. Parmi les publications anglaises de ce genre, nous avons remarqué l’Appendix {ou XIe vol.) par lequel M. Henry G. Bohn vient de terminer la nouvelle édition qu’il a donnée du Bibliographer’s Manual, de Lowndes. Ce volume curieux est une bibliographie spéciale des livres imprimés pour les différents clubs littéraires établis en Angleterre depuis celui de Roxhurghe, et aussi un catalogue des ouvrages publiés soit par des sociétés littéraires de différents genres, soit dans des imprimeries particulières connues sous des dénominations spéciales. Comme cet index ne coûte que 6 fr., nous sommes persuadé que les nombreux amis de ta littérature anglaise s’empresseront de se le procurer.