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pectable, il est juste de joindre ici ceux, non moins recommandables, de Chardon de La Rochette, Ant.-Alex. Barbier, Vanderbourg, Daunou, Ch. Nodier et Boissonade, dont les suffrages indulgents ont décidé le succès de mon livre. Hélas ! des six personnes que je viens de nommer, pas une seule n’a vécu assez pour pouvoir recevoir aujourd’hui l’expression de ma gratitude !

Je me serais fait aussi un vrai plaisir d’inscrire dans cette page consacrée à la reconnaissance le nom de plusieurs bibliophiles instruits, qui ont bien voulu m’adresser par écrit des renseignements utiles, si je n’avais pas craint qu’ils ne regardassent comme une indiscrétion ce témoignage public de ma gratitude. Je pourrais également citer les amateurs les plus distingués de la capitale, dans les bibliothèques desquels j’ai trouvé l’accès le plus gracieux. Tous ces secours qui, je dois le dire, m’ont été prodigués avec un grand empressement, sont une preuve que la bibliographie trouve chez nous plus d’encouragement qu’on ne le croit généralement, et ce qui sans doute le prouve encore mieux, c’est l’accueil empressé qu’on a fait, tant en France que dans la plupart des pays étrangers, à toutes les éditions de mon Manuel, et l’extrême faveur avec laquelle en ont parlé plusieurs des principaux organes de la presse, et en particulier M. Silvestre de Sacy, de l’Académie française, véritable bibliophile, qui, n’admettant que de bons ouvrages dans sa bibliothèque, ne craint pas d’avouer son goût pour les beaux livres. En appréciant l’indulgence des éloges qui m’ont été donnés si généreusement, j’ai reconnu aussi la justesse de plusieurs des critiques qui me sont parvenues, et l’on verra que j’ai su les mettre à profit[1]. Quant à d’autres critiques qui ne m’ont pas paru admissibles, je ne les ai relevées que lorsqu’elles se trouvaient dans des ouvrages


    Catalogue des livres imprimés sur vélin : C’est l’ouvrage de bibliographie le plus complet, le mieux fait et le plus utile qui ait été donné jusqu’à ce jour. Il écrivait ceci en 1815, et probablement n’entendait parler que des dictionnaires bibliographiques et de la Bibliographie instructive de De Bure.

  1. Peut-être même me suis-je quelquefois trop empressé d’adopter des corrections qui n’étaient que le résultat de l’examen d’un exemplaire tout différent de celui que j’avais eu sous les yeux. Un passage extrait d’une lettre que M. H., de l’Académie de Marseille, m’a fait l’honneur de m’écrire il y a quelques années, va en fournir la preuve.

    « En lisant attentivement, me marque M. H.…, la quatrième édition de votre Manuel, je me suis souvenu que j’avais un reproche à me faire à votre égard ; je dois m’amender, afin de tâcher de réparer mon tort. Je vais m’expliquer. Dans ma lettre à feu M. Millin sur la seconde édition de votre ouvrage (insérée dans le Magasin encyclopédique, numéro d’octobre 1815), article Barclaii (Joan.) satyricon notis diversorum illustratum, Lugd.-Batav., 1674, in-8., j’ai dit, 1o que le mot diversorum n’est point sur le frontispice, et ne devait pas être ajouté par vous ; 2o que cette édition est tronquée, ainsi que je l’avais vérifié sur celle d’Elzevir, et j’en ai donné un exemple. Vous avez eu la bonté d’adopter mes corrections dans la troisième édition dudit Manuel, et aussi dans la quatrième. Mais ce n’est pas le tout d’exercer sa critique sur les autres, il faut savoir l’étendre sur soi-même, et critiquer sa propre critique lorsqu’elle manque de justesse. Voici donc ce que de nouvelles recherches m’ont donné à connaître. Il existe deux sortes d’exemplaires de l’édition de 1674, in-8. Les uns sont intitulés : Euphormionis Lusinini, sive Jo. Barclaii satyricon, nunc primum castratum, castigatum, in sex partes dispertitum, etc., notis illustratum, cum clavi. Accessit conspiratio anglicana, Lugd.-Batavorum, in officina hackiana, et veneunt Parisiis, apud Fredericum Leonard, etc., M. DCLXXIV, in-8. Ces exemplaires sont châtrés et conformes à la description donnée par moi. Mais les autres exemplaires ne le sont pas, et l’intitulé en est tel : Euphormionis Lusinini sive Barclaii satyricon. Nunc primum in sex partes dispertitum et notis illustratum, cum clavi, Lugd.-Batavorum, ex officina hackiana, M. DCLXXIV, in-8. Le passage depuis le mot trucidat jusqu’au mot poliebam, que j’ai remarqué avoir été suppriné dans les exemplaires châtrés, se lit dans les autres. Il commence au dernier mot de la 18e ligne de la page 53, et finit aux deux tiers de la 17e ligne de la page 55. Frédéric Léonard, libraire de Paris, en se chargeant de la vente d’une partie des exemplaires de l’édition que publiait Hackius, mit-il pour condition que cet imprimeur leur ferait subir des retranchements dans les passages un peu scabreux ? »

    Cette explication, qui fait connaître un fait curieux, est une preuve qu’il ne faut pas se hâter de taxer d’inexactitude un article du Manuel qui ne correspondrait pas parfaitement à l’exemplaire qu’on aurait entre les mains. Souvent, en effet, des exemplaires d’un même livre diffèrent entre eux, soit dans les pièces liminäires, soit dans le corps du volume, soit enfin dans le nombre des pièces qui y sont contenues. C’est ce dont j’ai été maintes fois à portée de me convaincre, ainsi qu’on l’a pu remarquer dans le courant de mon Dictionnaire,