ainsi dire, par cœur les pages un peu arides de de Bure et du Dictionnaire, plus aride encore, imprimé chez Cailleau, je m’attachai à en corriger les erreurs et à en réparer les omissions, toutes les fois que se présentait une occasion de le faire. Par ce moyen je me trouvai bientôt en possession d’un certain nombre de petites notes, et muni de ces matériaux sans consistance, je me hasardai à rédiger en moins de trois mois, et à faire imprimer (en 1802) un Supplément au Dictionnaire bibliographique dont je viens de parler. Ce premier essai, préparé avec tant de précipitation, se ressentait de l’inexpérience de son jeune auteur ; néanmoins, comme il se rattachait à un livre fort défectueux, et que d’ailleurs il remplissait tant bien que mal la lacune laissée par mes prédécesseurs dans la partie la plus moderne de la bibliographie, la comparaison me fut avantageuse. Ce petit succès m’encouragea à continuer mes recherches, à en étendre le cercle, à donner à mes notices plus de développement, et surtout une exactitude plus rigoureuse que je ne l’avais fait jusque là. En suivant ainsi avec ardeur le plan que je m’étais tracé, six années me suffirent pour former un corps de bibliographie générale plus complet que tous ceux qu’on possédait alors. Pourtant, arrivé à cet heureux résultat, il me restait encore à me déterminer sur la forme que je devais donner à mon nouvel ouvrage, et sur ce point je demeurai quelque temps indécis ; car, je le comprenais bien, si dans l’arrangement d’un répertoire de ce genre, l’ordre alphabétique est le plus commode pour trouver avec facilité un renseignement sur le livre dont on connaît d’avance ou le nom de l’auteur, ou pour les anonymes les premiers mots du titre, il ne faut pas se dissimuler non plus que cet ordre ne soit fort souvent tout à fait insuffisant. Par exemple, si l’ori veut savoir quelles sont les meilleures productions à consulter sur un sujet donné, ce n’est pas dans un dictionnaire distribué par noms d’auteur qu’on ira chercher ces indications, à moins de se décider à le feuilleter d’un bout à l’autre. Nul doute qu’en pareil cas on ne préfère avoir recours à un catalogue classé méthodiquement, et où l’on puisse espérer trouver avec facilité ce qu’on eût peut-être cherché en vain dans un dictionnaire. Enfin, après avoir pris en considération les avantages relatifs de chacune de ces deux méthodes, j’ai pensé qu’un ouvrage qui, sous un volume aussi resserré qu’il serait possible de le faire, réunirait à la commodité de la nomenclature alphabétique celle d’un classement méthodique, pourrait avoir quelque supériorité sur ceux qui l’ont précédé ; surtout s’il était le résultat de recherches consciencieuses et d’une minutieuse vérification des objets décrits ; en un mot, si, sans être une simple compilation, il offrait, avec tout ce qui appartient en propre à l’auteur, la substance de ce que contiennent de meilleur les traités de bibliographie spéciale les plus accrédités. C’est dans cette persuasion que j’entrepris le Manuel du libraire et de l’amateur de livres, dont il me reste à exposer le plan.
La première et la principale partie de ce Manuel est un Dictionnaire en cinq volumes, dans lequel se trouvent indiqués et décrits les livres anciens qui sont à la fois rares et précieux, et un grand nombre d’ouvrages modernes, qui, par leur mérite bien reconnu, leur singularité, la beauté de leur exécution typographique, les gravures dont ils sont ornés, ou par d’autres particularités remarquables, peuvent figurer à un titre quelconque parmi les livres précieux, et doivent être l’objet de quelques notes explicatives. Ainsi, comme on le voit, ce n’est pas une bibliographie complète que j’ai voulu donner, c’est seulement un répertoire choisi, particulièrement à l’usage de la France, des pays où dominent les langues néo-