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Panzer, de Hain, d’Ebert, de Graesse, de Maittaire et de Dibdin, sans compter ceux du savant Fabricius, des infatigables Meusel, Ersch et Watt, qui ne sont pas moins connus que les premiers. Les ouvrages de ces laborieux érudits, réunis à tous ceux du même genre que je pourrais citer, formeraient aujourd’hui une bibliothèque assez nombreuse ; mais si les bibliothécaires, les bibliophiles et les libraires eux-mêmes ont besoin de recourir de temps en temps à ces sources abondantes en renseignements utiles, peu de personnes ont la faculté, ou peut-être même la volonté, d’en former la collection ; bien plus, la plupart de ces ouvrages sont d’un usage si incommode, que pour s’en servir avec fruit il faut qu’une longue pratique ait initié le lecteur à l’art d’y faire des recherches. Ces difficultés, qui devaient se compliquer de plus en plus par la suite, offraient déjà assez d’inconvénients au milieu du dernier sièele, pour que dès lors de bons esprits aient jugé nécessaire de suppléer, autant que possible, par un seul ouvrage offrant un choix suffisamment étendu, à cette multitude de livres inaccessibles au plus grand nombre de lecteurs, livres dont le volumineux ensemble est encore bien loin de satisfaire à toutes les exigences des hommes spéciaux. David Clément est le premier qui se soit occupé sérieusement d’un pareil choix : sa Bibliothèque curieuse, imprimée à Göttingue et à Hannover, de 1750 à 1760, en 9 vol. in-4., est par ordre alphabétique, et s’arrête à la lettre H. Quoique ce livre ne soit certainement pas sans mérite, on l’a trouvé et trop restreint dans le nombre des articles, et inutilement grossi par des détails d’une prolixité fatigante : il est néanmoins à regretter que l’impression n’en ait pas été achevée. Guillaume-François de Bure, qui vint après Clément, avec un plan beaucoup mieux conçu, atteignit d’une manière assez heureuse le but qu’il s’était proposé en rédigeant sa Bibliographie instructive (1763-68, 7 vol. in-8). Son Catalogue, classé par ordre de matières, fut fort bien accueilli, parce que, tout incomplet qu’il nous paraît être aujourd’hui, même à l’égard des livres anciens, les 6 000 articles judicieusement choisis qui y sont décrits suffisaient aux besoins très-limités des bibliophiles, à une époque où les bibliothèques, presque toutes formées sur le même plan, ne renfermaient guère de livres en langues étrangères que quelques poëtes italiens, quelques Novellieri, quelques historiens dans la même langue, et un très-petit nombre d’ouvrages espagnols, à une époque enfin où l’on n’avait pas encore généralement reconnu la nécessité de bien étudier l’histoire des éditions des écrivains classiques anciens et modernes de tous les pays. Le succès de la Bibliographie instructive s’est soutenu pendant plus de quarante années, ce qui certes est beaucoup pour un ouvrage de ce genre. Dans le même temps nous eûmes successivement Osmont, Cailleau et d’autres compilateurs peu soigneux, qui, sans songer à faire par eux-mêmes aucune recherche de quelque importance, sans connaître même les sources où ils auraient pu puiser utilement, se sont bornés à abréger l’ouvrage de de Bure, et à compulser des catalogues dont ils étaient d’ailleurs incapables d’éviter les erreurs. Cependant, malgré leurs grandes imperfections, ces dictionnaires ont dû à la commodité de leur forme d’être assez bien accueillis ; et c’est là une preuve irrécusable du besoin qu’on sentait de ces sortes de répertoires.

Tels ont été mes premiers guides, lorsqu’à peine parvenu à l’âge de quinze ans, je commençai les études bibliographiques nécessaires pour me préparer à la profession de libraire, à laquelle me destinait mon père, libraire lui-même. Malgré l’insuffisance de ces secours, je fus bientôt familiarisé avec les éléments d’une science pour laquelle je me sentis tout d’abord un goût très-vif, d’une science qui devait faire l’occupation principale de toute ma vie. Mais, non content d’apprendre, pour