Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
DE PHILIPPE

tier d’assurance « millionnaire », voisin de Claire. Ce frère du Patron était un gros dentiste qui, de la même voix du nez que le Patron, baragouinait du canayen comme l’autre de l’anglais. C’est le dentiste qui, en ce moment, inquiétait le plus Philippe. La Vieille Maison, au bord de la route, devant la rivière, au tournant d’un chemin de terre, était une antique habitation grise de paysan, une maison pluvieuse, où, sans doute, il y avait encore dans la cuisine un poêle à pont. Une galerie l’entourait aux trois quarts et, si Philippe n’apercevait pas le dentiste sur la galerie, il voyait ses deux maîtresses, énormes et fardées, dans leur indienne et leurs rubans, sortes de grosses négresses canadiennes, des corsages qu’on a la crainte de voir renverser, Comme une terrine de crème portée de la cave : il y avait les deux battants d’une dépense souterraine sur le côté de la maison. Les femmes étaient sages comme deux images, symbole des débauches d’un vieux garçon riche et timide. Elles faisaient peur à Philippe, d’autant qu’avec le Patron, dans tout le village, le dentiste était le seul à pratiquer les mœurs scandaleuses de Philippe. En dépit de l’envie qui le tenaillait, il n’osa jamais entrer pour parasiter chez le dentiste. Naïf une seule fois que, pris au dépourvu, sans le sou et tout tremblant, parce qu’il avait de beaucoup passé l’heure de sa dôpe, il se hasarda, pour revenir presque aussitôt : une des femmes, pour répondre à Phi-