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LA FOLLE EXPÉRIENCE

terrier, et, disparu, la campagne au soleil était plus vaste.

Ces matins de chasteté perverse, un souvenir obsédait toujours Philippe, un souvenir d’hypocrisie mêlée à une dévotion utilitaire et politique. L’hypocrisie obséda sans cesse Philippe, l’hypocrisie était sa muse, et Philippe lui-même ne put jamais se purifier de l’hypocrisie, si sincère qu’il se voulût. Il la pourchassait sans répit. C’est elle qui, au fond, le chassa du catholicisme et, lorsque plus tard il revint à la religion, l’hypocrisie de ses frères et de tant de formules lui arrachait ses moyens. Il était gonflé de colère, une colère de timide qui casse tout puérilement. N’aurait-il pas mieux fait de rester aux aguets et de tirer l’hypocrisie de son propre terrier ? Les calomnies des imbéciles mûrissaient toujours en lui, et il fonçait sur le fantôme du premier personnage qui lui vînt en mémoire.

Ces matins de chasteté perverse, surgissait surtout dans ses pénombres intimes la tête chauve d’un journaliste dévot qu’il avait rencontré à la maison close, et qui, ces matins, lui faisait savourer son désir bridé.

Cet homme avait la tête de l’emploi, et Philippe se disait : « Comme les dévots se soûlent à pleine gueule et font l’amour goulûment » : la prière leur donne de l’appétit, leur prière hypocrite et qui mord dans les mots, et ils mordent de même au péché avec les dents lon-