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LA FOLLE EXPÉRIENCE

longtemps que Philippe avait passé son quartier : Dick ne disait encore ce qu’il voulait.

D’un air drôle, il finit par apprendre à Philippe que Florence avait laissé tous ses amis pour lui et que ni l’un ni l’autre n’avaient d’argent, voire qu’ils n’avaient pas mangé depuis le matin.

Ils étaient devant une gare de banlieue. Philippe dit à ce Dick qu’il n’avait pas le sou, et, comme « il pourrait avoir quelque chose du chef de gare en lui donnant son chèque » il lui demanda de l’attendre. Quand il revint :

– Tout ce que j’ai pu avoir, c’est un billet pour Malone… Vous allez retourner chez vous, ce soir, et je m’arrangerai pour procurer des provisions à Florence.

Le grand gars était atterré. Il n’avait même pas l’air de réfléchir sur ce mensonge naïf et maladroit.

Le soir, Dick était là, très triste, un sac défraîchi à la main. Philippe ne lui donna quelques billets que lorsque l’heure du départ fut arrivée, surpris que ni le jeune homme ni Florence n’aient trouvé autre chose et n’aient découvert son truc — qui permettait néanmoins à son hypocrisie de se louer de sa bonté et de s’attendrir sur la peine de ces deux pauvres êtres qu’il séparait. Philippe resta quelques minutes sur le quai de la gare, comme si Dick avait pu revenir, puis, dans une hâte folle, la hâte de sa timidité et la hâte de ses mauvais coups, comme