d’une lettre. Il y jouait plus aisément le personnage qu’il rêvait. Il se rappelait le vers de Valéry :
et il écrivait à la femme qu’il entendait remuer dans la cuisine, au bruit de la friture. Il polissait amoureusement de longues déclarations subtiles, en se versant de larges rasades. Il voulait recourir à son propre whisky, qu’elle ne revînt pas et qu’elle lui donnât toute la soirée pour qu’il lui écrive son amour. Elle était plus à lui qu’elle ne le fût jamais. Le bonheur de Philippe aurait été complet, si à tout coup il n’avait tressailli, pensant qu’elle revenait.
Elle revint avec des plats fumants, qu’elle déposa sur la table, pour se pencher sur son épaule :
— Comme vous m’avez écrit une longue lettre… Comme c’est gentil…
Elle mit sa main sur le papier, et embrassa Philippe :
— Je lirai ça lentement, toute seule…
Durant le repas, Philippe parlait peu. Claire surveillait les enfants, et, comme l’étiquette la ramenait à ses belles relations, elle passait sans transition de la fille du juge à la veuve du ministre, du chanoine de lettres à la maîtresse de l’architecte : Claire était un fichier vivant de toutes les mondanités.
Pour Philippe, il était gêné, les enfants le