Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
LA FOLLE EXPÉRIENCE

mans feuilletons, qu’il avait surpris son enthousiasme vulgaire, lorsqu’il parcourait des contes de cape et d’épée. Pour se justifier, il reprit son Baudelaire :

…Le son de la trompette est si délicieux,
Dans ces soirs solennels de célestes vendanges…

« D’un autre, ce serait banal, le délicieux, le solennel changent tout ça… » Et Philippe s’enorgueillit de comprendre Baudelaire comme il le comprenait. Il songeait à ses amis, qui disaient l’aimer, et qui cherchaient le plus niais ou le scandale.

S’admirant, remis de ses inquiétudes, Philippe décida, d’une décision qui lui asséchait la bouche et dont la hâte amollissait ses jambes, il décida tout de suite d’aller dans une maison de rendez-vous qu’il connaissait. Ce ne serait peut-être pas ouvert, mais pour lui, avec de l’argent…

Le médecin était maintenant dans le vestibule. On entendait plus clairement les bruits de la rue, parce que la porte était entr’ouverte. Philippe, qui n’avait pas beaucoup d’argent sur lui, songea un moment de prendre l’argent dans le portefeuille de son père, sur la petite table : « Il est inconscient, il ne s’en apercevra pas… » Puis, non, c’est lui qui, ce soir, demain, serait le maître, et, bravement, comme sa cousine entrait il lui dit :

— Donnez-moi le portefeuille de mon père, sur la petite table… Je suis obligé d’aller faire des courses qui s’imposent…