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DE PHILIPPE

— Ce sera plus sûr que j’aille le chercher moi-même… Commandez un taxi.

La cousine regardait Philippe avec des yeux de chien ému.

— Quel bon fils ! devait-elle penser.

Cela amusait beaucoup Philippe, et, pour ne pas l’oublier, il nota sur son carnet ce trait, burlesque entre les autres.

Dehors, il eut peur de paraître ému devant le médecin. Ou de paraître trop gai. Il décida d’entrer dans une taverne et d’ajouter de la bière au whisky, mélange qui le ferait plus dégagé de toutes ces complications. S’adressant au chauffeur, son sens des convenances n’oublia pas un prétexte.

— Arrêtez-moi ici, je veux téléphoner… Ce sera plus prudent.

Dans la taverne, assis, il aurait voulu rester longtemps. Il y avait du soleil, qui irisait la mousse de son bock. Les garçons frottaient, lavaient, astiquaient, comme tous les matins. Ça sentait le printemps. Philippe se leva, pour causer un moment avec le barman, puis revint parcourir la première page du journal. Il regardait l’heure, et se donnait encore cinq minutes. Il tira de sa poche une édition populaire des Fleurs du Mal.

Le beau valet de cœur et la dame de pique
Causent sinistrement de leurs amours défunts…

Philippe n’aimait pas trop Baudelaire macabre. Il y sentait de la comédie, et la comédie