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DE PHILIPPE

— Tu le regretteras, mon garçon, mais fais à ta guise. Tu es libre…

Il n’y eut que ça. C’est que le docteur avait en ce moment toutes sortes de difficultés financières et qu’il était heureux, inconsciemment, de ce poids de moins.

Il n’en fut pas moins obligé de verser les premiers termes d’université et les suivants, et c’était toujours de la part de Philippe des demandes d’argent : il fallait ceci pour le cours de droit romain, cela pour l’économie politique…

Philippe, que la timidité et l’orgueil et aussi la honte de n’avoir pas d’argent avaient éloigné de ses camarades, s’était mis à boire, entre ses cours, voire, pendant les cours qu’il escamotait. Il avait trouvé une ruse qui l’aidait : soi-disant pour éviter à sa tante vieillissante les courses chez les fournisseurs, c’est lui qui les faisait, et qui entamait largement l’argent des « marchés de fin de semaine ». Il dérobait des volumes de la bibliothèque de son père, pour les vendre, toujours avec les mêmes craintes. Philippe alla jusqu’à bazarder à des étudiants malchanceux des échantillons de médicaments qu’il trouvait dans le cabinet de son père. Un temps, il fut ainsi médecin in partibus en maladies vénériennes.

Philippe rêvait, se grisait, lisait, griffonnait de la prose et des vers et vivait en attente de choses vagues. Il rata la plupart de ses examens, pour finir pour attraper sa commission.