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LA FOLLE EXPÉRIENCE DE PHILIPPE

ses péchés, le voyait en état de péché mortel. Un instant, il eut peur d’être damné. Pourtant il savait bien que, s’il était loin de Dieu, loin de la présence de Dieu, le plus souvent, c’est à peine s’il n’avait pas arrêté assez tôt les tentations. Rien de positif, et cela l’énervait d’autant.

Cependant, il craignit encore plus le prêtre que l’enfer. Sa religion était devenue tout à fait matérielle, et Philippe s’écœurait du contraste entre ses frousses de vieille fille et la splendeur de ce samedi. Le ciel avait l’azur des fins de semaine réussies. L’automne mettait une dernière coquetterie, une coquetterie avisée et raisonnée dans les petites feuilles qui restaient aux arbres et qui, sous la brise, s’agitaient avec le sans-gêne et l’imprudence de l’été. La verdure se donnait toute, dans sa ménopause. Vernissées, nickelées, les autos glissaient avec un air de printemps. Le soleil, plus clair, n’avait pas cette fièvre de l’automne, c’était un soleil qui avait envie de durer.

Philippe se voyait déjà dans l’église obscure, indécis, laissant passer les pénitents les uns après les autres, pour être le dernier à se confesser. Ou bien, il voulait se glisser entre deux, afin que l’absolution fût bâclée.

Il était déjà à l’église. Là, on sentait le factice de ces derniers beaux jours, l’église dégageait un froid inquiétant, qui n’était pas la fraîcheur voluptueuse des églises d’été, ni le