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LA FOLLE EXPÉRIENCE

nières », ce frôlement des intimités de la communauté, pour vous en donner le goût, qui faisaient penser Philippe aux vieilles filles qui font l’étalage de leurs colifichets, vous initiant à leurs mystères. Ce qui dégoûtait le plus Philippe de cette expérience, c’était le souvenir de ses bassesses : chaque fois qu’un prêtre entrait dans sa chambre, il fixait avec épouvante son manteau accroché au mur, parce que, dans une des poches, il y avait enfoui le Père Goriot, qu’il avait apporté, se proposant de lire ce livre défendu à ses moments dérobés, mais la crainte d’être surpris l’empêchait toujours. Philippe revoyait aussi ce bon frère doucereux qui, par la fenêtre, indiquait le petit cimetière, « où reposent paisiblement nos bons religieux ». En ce moment, Philippe concédait la sainteté des âmes pures et naïves à ce bon vieux : cette façon gauche de « vendre » jusqu’à la mort au chaland qu’on englue ne le dégoûtait pas moins, par sa fadeur insistante.

Le plus humiliant, c’est que Philippe, rassasié de la psychologie élémentaire que proposaient les méditations à son incroyance, au bout de deux jours, avait voulu quitter cette retraite et qu’il s’était servi d’une ruse puérile. Il s’était dit malade, et, pour se rendre malade, il s’était gavé de chocolats, dont il avait apporté une boîte, tournant en rond ensuite, pour se donner la nausée. Et il avait fait une confession générale mensongère au directeur.