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LA FOLLE EXPÉRIENCE DE PHILIPPE

lui, il lisait vaguement un roman policier. Tout à coup, sans qu’il eût pensé à ça depuis des jours, l’idée de Dieu surgit en lui. Il s’apprêtait à ressasser ses objections, comme ce pédant scrupuleux et méticuleux faisait toujours, lorsqu’il comprit, sans la moindre raison, que c’était vrai. Et il croyait. Philippe essaya de se débattre, comme un animal blessé, et, à ce moment, il se crut définitivement fou. Mais, il n’y pouvait rien, c’était vrai. Déjà des scrupules paraissaient : « Si c’est vrai et que je crois, je suis tout de même hérétique, puisque je ne vois pas de raisons de croire, que je ne crois pas qu’il y ait de preuve de tout ça. » Son esprit était vidé, il n’y avait rien que cette pâle croyance, qui devenait une obsession.

Philippe ne pouvait lire, ne pouvait écrire. Il marchait, ne tenant en place. S’il avait eu de l’alcool, il se serait grisé jusqu’au sommeil. Et il n’avait même pas le courage de faire des démarches. Des bouts de prières lui venaient sur la langue, qu’il n’osait formuler. Il avait honte de lui : « Je ressemble à tous ces lâches… »

Autour de lui, il n’y avait rien de changé, et pourtant le monde n’était plus le même. Le catholicisme paraissait maintenant à Philippe une nécessité, une nécessité terrible et sans douceur. Il lui faudrait se débarrasser de tout, laisser tout. Il pensait aux moines qui quittent le monde, qui s’enferment : croire, c’est s’enfermer, pensait-il. Il lut le Serpent de Valé-