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LA FOLLE EXPÉRIENCE

je suis celui dont j’ai honte, je vous donne ça, avec tous les désirs et les craintes dont je n’ai pas encore conscience. Prenez ça, ô mon Dieu ! peu importe moi, il n’y a que vous. » Et Philippe, fatigué comme d’une longue prière, les membres détendus, quitta l’église, presque joyeux, une sorte de sensation heureuse au creux de l’estomac.

Philippe pressentait que sa joie était suspecte. Ce n’est que plus tard qu’il sut qu’alors inconsciemment il songeait à Claire. Après tant de mois, il fallait que sa joie rejoignît Claire, comme il fallait que sa peine la retrouvât. Philippe se surprenait, qui regardait les femmes avec plus d’attention. Même, sa vue essayait de distinguer, dans la brume pluvieuse, les formes qui se détachaient au coin, là-bas, comme aux heures de longues attentes, lorsqu’il se disait : « Est-ce elle, enfin ! »

Il était devant l’immeuble de Pageau. Il hésitait de hâte, pour en finir et ne voulant plus, comme ces jours d’adolescence, quand il passait et repassait devant les mauvais lieux. Le cœur lui battait, il avait le sang aux joues, et Philippe ne sut pas comment il entra. Mais ses yeux suivaient involontairement une femme, toujours comme au temps de Claire, une femme sur qui se referma la porte de l’ascenseur.

Philippe était emporté, mais quelque chose résistait en lui. Il aurait voulu s’effondrer sous terre. Il voyait que les autres avaient rai-