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LA FOLLE EXPÉRIENCE

et de parasitisme. Philippe s’était remis lui-même dans ses propres pas, dans ses propres traces. Le long détour des derniers mois le ramenait encore au Philippe qui était encore le Philippe des autres et de ses amis, mais qu’il avait oublié.

Philippe n’avait pas besoin d’argent, ce jour-là, et pourtant une fièvre animait sa marche. Le double qui, en lui, l’observait toujours, remarquait que ce trouble était le même qui, jadis, le poussait vers le mauvais lieu, et naguère encore chez Claire. Voilà que tout à coup Philippe songe à Claire. Non plus depuis des semaines il n’avait songé à Claire. Et songeait-il à Claire ? Son esprit prononçait le nom : il ne voyait le visage ni aucun souvenir. Pourtant, cette sensation de culpabilité était comme redoublée : il allait parasiter chez un ami, il faisait comme Claire, il répétait ce qu’il avait déjà fait pour Claire. Son action avait pour lui un parfum d’amour coupable.

La pluie cinglait son visage, fouettait sa honte : Philippe avait déjà honte, non plus du parasitisme, mais de sa volte-face à propos de Maurin. Il savait que Pageau admirait toujours le « grand homme » et chaque fois que Philippe avait écrit sur le « grand homme », contre le « grand homme », il avait eu peur de Pageau. Bien entendu, en même temps avait-il voulu biffer Pageau de sa vie, avait-il voulu biffer Maurin : alors aussi, il se sentait coupable