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à un crâne malsain. De grands arbres cachaient ces ruines, qu’on n’entrevoyait que lorsque l’orage brassait les ramures, et c’était alors un spectacle qui touchait à l’indécence. D’un côté et sous un saule pleureur, le puits avec sa margelle mettait en exergue un peu de poésie. Plus loin, il y avait aussi une mare noire, où des canards nageaient. Leurs couacs et battements d’ailes étaient le seul bruit, avec les oiseaux dans les branches, qui peuplaient ce domaine abandonné.

Personne n’y pénétrait. Pour vivre, pour ajouter à son traitement d’organiste (elle disait traitement) et à ses rentes insuffisantes, mademoiselle Baudet donnait des leçons de piano, mais c’était à domicile, jamais chez elle. Quand on n’avait pas de piano, mademoiselle Baudet faisait tapoter le bois de la table, déliant ainsi les doigts jusqu’au jour que le paysan ou le marchand se décidât à acheter un instrument. Pour rien au monde, elle n’aurait reçu chez elle. Un curé nouveau et qui ne connaissait pas ses habitudes s’était avisé de commencer la visite de paroisse par mademoiselle Baudet. Il avait frappé, martelé, sans résultat. Pensant que la vieille n’était pas chez elle, il était