Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Heureuse que son fils fût prêtre, il lui semblait qu’il serait moins à elle. « La mère d’un prêtre, c’est beau, mais c’est gênant », se disait-elle naïvement. « Il sera quand même toujours mon enfant. »

L’année n’était pas terminée que Joseph, l’autre fils, commença vraiment à lui faire de la misère. Il lui avait presque toujours donné quelques cents sur son salaire intermittent, et, depuis un mois, le samedi, il disparaissait, pour ne revenir que le lundi, voire le mardi. Et il la remettait à la semaine suivante :

— Ils nous ont donné une partie seulement de notre salaire. Ça va mal au magasin.

Madame Royer n’en croyait rien. Elle patientait cependant, n’osant le pousser à bout et risquer quelque esclandre. Au surplus, s’il se fâchait, s’il partait, elle n’aurait plus les quelques dollars qu’il lui donnait et qui lui permettaient de boucler les deux bouts.


Du reste, elle avait tant de plaisir à fabriquer elle-même la première soutane de Frédéric (elle la confectionnait à la cachette) et se hâtait avec une telle joie que, superstitieuse, elle se faisait un scrupule de ses idées noires.