Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Frédéric se laissait faire, avec un peu d’agacement cependant. Ce garçon était plein de santé, et l’on devinait que ce n’était pas le goût des études qui le poussait à ses succès scolaires, et que seule la volonté, voire quelque projet secret lui donnaient cette persévérance.

Parfois, lorsque madame Laurendeau avait des invités et qu’ils assistaient à la messe, madame Royer présentait son fils :

— Mon bâton de vieillesse. Il va se faire prêtre, et, quand il sera curé, je serai la gouvernante du presbytère… Ce sera mon bâton de vieillesse quand même.

Quand il fut en versification, les beaux projets menacèrent de s’écrouler. À l’étude, on surprit Frédéric, qui lisait les Contemplations cachées par un dictionnaire. Mauvaise note, visite chez le préfet, menace d’expulsion. Le pire, c’est que Frédéric s’entêtait et prétendit carrément qu’on n’avait pas le droit de le punir, parce qu’il avait lu un chef-d’œuvre. Le cousin eut toutes les peines du monde à arranger l’affaire. Depuis lors, madame Royer s’écriait à tout propos :

— Le monde est rempli d’injustices.