Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Armandine priait sa litanie, où toute la parentèle se déroulait, et Ferdinand, debout, n’osait pourtant se joindre à elle, qui, maintenant, était sa femme, puisque, bénis par le prêtre, ils étaient seuls dans la chambre où il se déchaussait. Tout à coup il ne sut quelle idée lui venait :

— Armandine !

Elle redressa la tête dans l’ombre, et il vit ses yeux de victime :

— Laissez-moi faire mes prières.

Il sentait déjà la tristesse monter, la tristesse quotidienne. Chaque soir, comme Armandine, il ne se couchait sans que la crainte des mauvais jours ne le submergeât, et, parfois, presque pour rien, bien qu’il la craignît plus qu’il ne craignait toute chose, parce qu’il n’avait presque rien devant lui, il songeait à la mort. Il n’avait plus de gêne : la tristesse l’emportait, et, les pieds dans ses grosses chaussettes, il marcha vers le lit, où, sous l’oreiller, il déposa son porte-monnaie. Il sentit que, dans ses prières, Armandine lui lançait une œillade furieuse : « Elle voudrait que mon argent, je le place sous son oreiller à elle, je suppose. »