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— Qu’est-ce que t’as ? T’as l’air drôle sans bon sens.

— C’est rien. Un petit étourdissement.

— Vous êtes changé, papa.

C’était la voix de Berthe. Il éclata :

— Toi, si tu te tais pas… Tais-toi, tais-toi, ou ben…

Il était rouge de colère, maintenant, et les deux femmes, abasourdies, l’observaient.

— Non, laissez-moi. Ça va se passer. Je travaille trop… Je suis malade…

Madame Godin l’observait toujours. Puis, d’un ton satisfait et méchant :

— Tu manges trop, d’abord. Ça finira par te jouer un mauvais tour.

Il ne répliqua point. Le dos courbé, silencieusement, il alla chercher sa pipe dans son paletot, où il l’avait laissée. Il était décidé à ne plus se priver, et il fuma, en se promenant dans le couloir, n’osant cependant rentrer dans la cuisine. Le tabac n’avait pas le même goût que d’habitude. Qu’y avait-il donc ?

— On est même plus capable d’avoir du bon tabac.

Il laissait éteindre sa pipe, qu’il tenait à la main, indécis, puis il lança :