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bras musclés et velus, dans un bureau où l’on disputait les contrats de charbon, de pétrole, de clous et de colle. Pointant, aux murs étaient accrochés deux Picasso et un Bonnat, le goût de Jules Langlais étant éclectique. De temps en temps paraissait une danseuse, ou un professeur célèbre, ou quelque tragédien notoire. Le plus bizarre, c’est qu’en dépit de ces visiteurs, l’entreprise marchait rondement.

Le patron avait cette originalité de s’adresser aux personnages les plus huppés dans le plus pur canayen. Certain conférencier quitta une fois le cabinet de Langlais, un sourire suffisant aux lèvres. Langlais, qui avait l’œil vif d’une femme, saisit le sourire au passage :

— Rendez-moi mon enveloppe. Je paie les artistes pour m’amuser, non pour qu’ils s’amusent à mes dépens.


Il n’y avait pas un an qu’il trônait en bras de chemise entre ses Picasso et son Bonnat, devant les monticules de charbon qu’on apercevait de la fenêtre, que je le rencontrai dans le centre. Il sortait d’une banque, et c’était troublant de voir, dans ce visage barbu, ces yeux qui furetaient, comme ceux d’une femme