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stature de trois cents coudées ; une pierre énorme supporte les quatre coins de la terre et six montagnes formées de pierres précieuses, brûlent nuit et jour, au sud du monde que nous habitons. Dans cet amas de rêveries, il règne une poésie obscure, sombre et grandiose ; reflet de celle de l’Apocalypse, elle est un nouveau témoin de cette préoccupation d’une autre vie, de cette foi à l’inconnu, à l’invisible dont la littérature de tous les pays et de tous les peuples porte des traces si remarquables.


(14) On formerait une bibliothèque assez considérable en réunissant les divers ouvrages auxquels l’Antechrist donné lieu. Citons d’abord l’in-folio du jésuite Malvenda, trois fois réimprimé en 1608, 1621, 1647, et le Traité de l’Antechrist, par Daneau, Genève, 1577. Grataroli, l’un des plus célèbres médecins du xvie siècle, a également consacré un long ouvrage à ce personnage mystérieux. Des diverses idées émises sur sa naissance, une des plus singulières est celle d’un rabbin qui le fait naître dans le pays d’Édom du commerce d’un diable avec la statue de marbre d’une vierge.

Les bibliophiles recherchent fort un Traicté de l’advenement de l’Antechrist, sorti en 1492 des presses d’Ant. Vérard, le plus célèbre des typographes parisiens du vxe siècle. Il existe, parmi les débris du vieux théâtre, une Farce de l’Antechrist et des trois femmes ; l’ennemi de Dieu n’intervient dans une querelle de halles que pour recevoir des coups de bâton et pour s’enfuir.

De 1676 à 1702, il y eut une vive controverse entre deux théologiens d’alors, Malot et Rondet ; le premier annonça l’apparition de l’Antechrist pour l’an 1849, l’autre la recula jusqu’à l’année 1860. Ce mésaccord de onze années occasionna un certain nombre de brochures qui n’ont pas aujourd’hui beaucoup de lecteurs.

Parmi les rares monuments de l’art dramatique au milieu de la période la plus obscure de l’histoire des lettres en Europe, parmi ces pieuses compositions latines antérieures aux mystères, il en est une dont l’Antechrist est le héros. Le titre seul de cette pièce (ludus paschalis) indique qu’elle était destinée à être jouée lors de la fête de Pâques. Le bénédictin Bernard Pez la trouva dans un manuscrit de l’abbaye de Tegernsée ; il l’a publiée dans son Thesaurus anecdotorum, tome ii, part. 2, page 187. Donnons ici une courte analyse de ce drame à peu près inconnu ; il nous apprendra ce qu’était au xiie siècle une de ces