Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
BERLIOZ ET « LES TROYENS »

elle acquiert aujourd’hui une signification assez haute pour consoler et réconforter.

C’est à Weimar, vers 1854, chez la princesse de Wittgenstein, l’amie dévouée de Frantz Liszt, dans ce milieu de sympathie et d’affection, où il venait souvent chercher l’oubli des injures, des dédains, des colères, et où il trouvait la large fraternité du compositeur des Poèmes symphoniques et de Sainte-Elisabeth, que Berlioz résolut d’écrire les Troyens. Son désir de tirer de l’Énéide un opéra conçu dans le système shakespearien, d’achever son existence intellectuelle dans la tendre communion de ses deux génies préférés, était combattu par son pressentiment des malheurs qui l’attendaient, s’il se laissait aller à mettre un tel projet à exécution. Il s’en ouvrit à la bonne princesse, qui, fermement, lui dit :

— Écoutez, si vous reculez devant les peines que cette œuvre peut et doit vous causer, si vous avez la faiblesse d’en avoir peur et de ne pas tout braver pour Didon et Cassandre, ne vous représentez jamais chez moi, je ne veux plus vous voir.

C’en était fait !

Trois ans pleins furent consacrés à l’enfantement des Troyens, pendant lesquels Berlioz ac-