Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

elle fournit au compositeur l’occasion de chanter une fois de plus sa romance familière. Et il la chante, en effet, mais avec une virtuosité si grande, si dominatrice, je le répète, que l’étonnement d’une telle « interprétation » modifie un peu la nature de notre plaisir. Il ne faut pas chercher dans la musique de Cendrillon la naïveté enfantine, la simple bonhomie du conte de Perrault, ni l’espèce de cordialité populaire dont ce récit est plein et qui, à travers les âges, a fait et fera fraterniser les âmes des petits. Le métier poussé jusqu’à ses dernières limites, la science dissimulée sous beaucoup d’amabilité, y priment la fantaisie, l’invention. Deux styles y sont assez rigoureusement, assez obstinément opposés. L’un, caricatural, bouffe, pastichant nos vieux maîtres, datant, s’applique aux parties de réalité du livret, idée de virtuose plutôt que de poète, la vie, drôle quelquefois, pas toujours, étant à cette heure ce qu’elle était hier, ce qu’elle sera demain ; l’autre, léger, discrètement chromatique, se rapporte à la féerie elle-même et, de virtuosité directe, emploie franchement les arpèges vocaux, les notes piquées et élevées, les menus arlitices de la mélodie ornée, moyen un peu terre à terre de nous introduire en le royaume de l’au-delà. À l’aide de ces deux styles qui, du commencement à la fin de l’ouvrage, ne