d’autocratie wagnérienne, alors que les mieux doués, les mieux armés pour la lutte et la victoire restent hypnotisés par le géant de Bayreuth — titan devenu tyran, — secoue, lui, Français, le joug germanique, descend avec tranquillité des hauteurs d’où beaucoup de ses camarades dégringolent et, quittant les pays de légendes, se fixant sur la terre d’humanité, écoute, regarde et, un jour émerveillé, attristé le lendemain, note ses sensations, ses contentements ou ses peines. Prix de Rome, parcourant l’Italie, il entend les sérénades que, du matin au soir, sous le soleil amoureux, les garçons donnent aux filles ; il voit les longs cortèges de femmes allant puiser l’eau à la fontaine chantante ; il s’amuse du grelot des mules trottant dans la campagne et subit cependant la mélancolie de son rythme obstiné ; il se prend d’enthousiasme, sur les cimes, pour l’immensité de l’espace où vibrent les cloches lointaines, où l’esprit s’envole et suit les grands oiseaux du rêve ; il se grise enfin du bruit assourdissant de Naples en fête, emmagasine dans son souvenir la clameur joyeuse des foules exubérantes, les sonneries militaires de la retraite aux flambeaux, le sifflement des fusées du feu d’artifice et le thème retrouvé, à la fois persuasif et plein d’abandon, des éternelles sérénades que, dans le coup de folie brutale des villes en plaisir,
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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN