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LES MAÎTRES CHANTEURS

dans son échoppe et rêve aussi. Le soir est si tendre, le parfum des arbres est si doux ! Comme cette mélodie de Walther le poursuit, le trouble et le charme par sa nouveauté et sa force ! Il cherche à se la rappeler sans en pouvoir retenir autre chose, tant elle est libre de forme, que les bribes qui, murmurées par le hautbois, lui arrivent, échos de la nuit tombante. Mais voici Eva, bien inquiète, sans qu’elle veuille l’avouer, du résultat de l’épreuve. Sa malice et sa grâce de jeune fille échouent devant la finesse du brave homme qui voit clair et qui se sacrifie — car l’enfant, avec une inconscience délicieuse, lui a remué le cœur — et qui ne laisse tomber de sa bouche ni un mot d’amertume, ni une parole de regret. Gaiement, il va servir à sa façon le chevalier, venu à la rencontre d’Eva pour fuir avec elle la ville de haine et de sottise. Leur escapade est contrariée par Beckmesser qui, un luth à la main, s’apprête à chanter une sérénade sous les fenêtres de la maison de Pogner. La cacophonie de ce chant est rendue plus comique encore par les coups de marteau dont le cordonnier frappe ses chaussures. Le bruit est tel qu’il ameute les voisins. David accourt, croyant que le greffier en veut à sa chère Magdalène, et le rosse. Et c’est une furieuse bataille à laquelle prennent part, hurlantes, toutes les jalousies du quartier.