Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

il les ramène aux bons endroits, s’en sert déjà symphoniquement, mais les développe fort peu. L’action, qui, d’abord, devait se condenser en un seul acte, tant était vif alors chez Wagner le désir de la réalisation immédiate, se précipite avec une singulière prestesse, en dépit des hors-d’œuvre ajoutés après coup. Les caractères se dessinent non pas en profondeur, mais en violente extériorité. À cet égard, si celui de Daland est un peu ridicule, celui du Hollandais, nettement tracé, est typique, et le récit d’entrée du maudit, de superbe déclamation, sans « dessous » instrumental pour ainsi dire, est significatif. Dans la trame harmonique, rapidement nouée, nulle recherche n’apparaît, et l’abus de certains accords trop faciles devient même fatigant à la longue. Enfin, si la mélodie est abondante, expressive et d’accent vigoureux, elle n’est pas toujours neuve et, dans sa fièvre d’exécution, le musicien créateur et personnel par excellence, sans souci de l’originalité continue, sans mépris pour quelques fâcheux artifices de vocalises et de points d’orgue, ne s’est occupé d’autre chose que d’obéir à la tempête de son âme et de voler avec elle vers le glorieux avenir.

Cette tempête déchaînée dans l’ouverture, tempête des cœurs et des éléments, persiste lorsque le rideau se lève. Au rivage d’une île