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arriver au Baghirmi, au Dar-Rongna, à l’ancien Soudan égyptien. Sans tarder, de hardis français, MM. de Béhagle et Bonnel de Mézieres, sont partis pour faire le commerce dans le bassin du Chari. Il est à prévoir aussi que l’Ouadaï, ce royaume si fermé aux Européens, si éloigné de la côte, dont le commerce va presque tout entier par le Sahara à Tripoli et à Ben-Ghazi, ouvrira bientôt ses portes aux commerçants français venus par l’Oubangui.

Le Congo est, on le sait, comme tous les fleuves africains, coupé non loin de la mer par une série de rapides, de chutes, formant retenue d’eau, ce qui permet de naviguer assez loin sur le bief supérieur, mais empêche les navires de haute mer de remonter très loin. Les grands vapeurs vont en une journée de Banane à Matadi, pendant huit à dix mois par an, sans s’alléger, et le reste de l’année en mettant une partie de leur cargaison dans des chalands. À Matadi, on prend le chemin de fer, qui vient d’être récemment inauguré, et qui évite les vingt ou vingt-cinq jours de marche que l’on faisait autrefois de Loango à Brazzaville, ou de Matadi à Léopoldville. La petite voie ferrée, large de 75 centimètres, se déroule sur 400 kilomètres, épousant toutes les formes du terrain, serpentant peut-être même un peu trop, ce qui nuit à la vitesse et empêche les trains d’avoir plus de trois wagons, mais permet néanmoins d’atteindre le Stanley-Pool en deux jours.

Toute la première partie de la voie est dans un pays accidenté, et son tracé est très hardi. On suit parfois en encorbellement des galeries qui surplombent des ravins de 50 à 100 mètres de profondeur, et, pour passer par le col de Zona-Gongo (780 mètres d’altitude), il a fallu adopter des rampes très raides. Somme toute, c’est une œuvre d’art qui fait honneur à ceux qui l’ont exécutée. Il nous est agréable de rappeler que la France a fourni un des meilleurs ingénieurs de la compagnie, M. Espanet, ancien élève de l’École polytechnique, et les ouvriers les plus habiles, que l’on avait été recruter au Sénégal. Aussi, lors de l’inauguration du chemin de fer, en juillet dernier, M. le commissaire-général du Congo français a pu en arrivant à Matadi se croire sur les rives du Sénégal, tant il y avait de drapeaux tricolores sur les villages nègres.

Mais il faut signaler les tarifs de transports, qui sont très élevés. De Matadi à Léopoldville un blanc paie 500 francs et un noir 50. À la montée, toutes les marchandises paient 1 000 francs la tonne ; seules les pièces de bateaux ou de machines agricoles bénéficient d’une réduction de 40 pour 100. Le sel est transporté à un tarif spécial : 500 francs la tonne.

À la descente, les tarifs varient de 100 francs à 1 000 francs suivant la valeur des produits transportés : le caoutchouc paie 430 francs la tonne et l’ivoire 1 000 francs. De tels tarifs sont une innovation. Que donnera-t-elle ? Faut-il l’imiter ? C’est l’expérience