Page:Brown - Pages intimes 1914-1918.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Si la futaie altière épaissit son feuillage,
C’est pour mieux camoufler l’artilleur et son train ;
Si la plaine où le soc a creusé son sillage,
Où déjà recommence à fermenter le grain,
S’étale, nourricière, avec sa grâce accrue,
C’est pour mieux se prêter à des travaux sanglants
Et pour que la mitraille, et non plus la charrue,
_______Lui laboure les flancs.

Et la jeunesse, espoir, orgueil de notre race,
Si dans ses veines bat un sang pur, généreux,
Si Dieu lui conféra l’onction et la grâce
Qui fait l’âme des saints et la vertu des preux,
Serait-ce que la vie aussi lui fut donnée
Pour être en holocauste offerte à la Douleur,
Pour être par le fer et le feu moissonnée
_______Au matin, dans sa fleur ?



Ainsi tour-à-tour l’homme espère et désespère.
Ignore-t-il ce dont le Maître nous instruit,
Que le grain de froment, s’il ne meurt dans la terre,
Reste seul, et s’il meurt, qu’il portera du fruit ?
Salut, sang des martyrs, héroïque semence
De ferveur filiale et d’amour fraternel !
Qu’importe une fin prompte à ceux pour qui commence
_______Un Printemps éternel ?


10 mars 1918.
Dom. IV in Quadragesima.



48