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quelques secousses légères et rapides de va-et-vient vertical et latéral, puis on régularise à l’aide des doigts la surface des cassetins défectueux[1].

c) « Pour arriver à lever la lettre très vite, il faut d’abord la lever lentement, mais régulièrement, en ne faisant que les mouvements absolument nécessaires. » Pour avoir négligé ces principes dès le début de leur apprentissage, maints compositeurs, frappant la lettre sur le bord du composteur ou de l’interligne — sous le prétexte futile de la retourner dans le sens voulu — au lieu de la placer directement et posément, « battent le briquet ». Un grand nombre, oublieux de cet axiome que « la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre », de la main simulent dans le vide d’imaginaires circonférences ou se livrent à des évolutions bizarres. D’autres, enfin, tantôt « branlent du chef et tanguent des épaules, tantôt balancent le corps, agitent les jambes », ou encore de l’avant-bras gauche rythment leurs mouvements par une sorte de mesure à deux temps du plus bizarre effet : toutes contorsions, qui sans doute pourraient être passagères au début, mais qui ne tardent pas à dégénérer en tics profondément ridicules, parce que les maîtres d’apprentissage n’ont point réprimé sévèrement, dès leur apparition, ces mouvements anormaux, particulièrement préjudiciables aux intérêts et à la santé du futur ouvrier. Il est indispensable, en effet, pour « devenir promptement un habile leveur », « d’éviter tout faux mouvement, toutes contorsions ou moulinets inutiles » : le travail de la main droite doit, comme on l’a vu, se borner au simple va-et-vient, le plus direct, cependant que la main gauche, de la lettre rapprochant légèrement le composteur, diminue autant que possible la distance.

Nombre de bons compositeurs possèdent une autre qualité : au toucher, ils « peuvent soupçonner » qu’ils lèvent une coquille : certaines lettres b, d, p et q, n, et u, l et i, etc., ont approximativement la même épaisseur ; mais, à part ces quelques exceptions, des doigts exercés reconnaissent immédiatement l’emploi d’une lettre fautive au lieu de la bonne.

d) « Le compositeur doit s’habituer à lire sa copie pendant le mouvement de la main ou à peu près. » La lecture se fait rapidement par membres de phrases ou par courtes phrases, aussi étendues toutefois que

  1. Suivant la composition du métal, la lettre neuve possède une sorte de brillant plus ou moins clair qui, surtout à la lumière artificielle, fatigue la vue du compositeur, et qu’il est bon d’atténuer. À cet effet, dès son arrivée de la Fonderie, le caractère est passé à la presse à épreuves, puis, pour le débarrasser de l’encre, soigneusement nettoyé à l’aide de la brosse à potasse. Outre que cette opération ternit le brillant, elle permet au chef de matériel de se rendre compte de l’état de la lettre, de sa régularité d’œil et, si l’épreuve est faite soigneusement, de sa hauteur en papier.