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ligne se trouvant de la sorte plus haute que les autres lignes de la page, on a toute facilité pour ajouter, changer ou retrancher des lettres et justifier à nouveau.

Si la correction ne porte que sur un mot, on peut n’élever que ce mot : à cet effet, dans les blancs laissés par l’espace on appuie d’un côté du mot la pince fermée, et de l’autre le doigt ; le mot légèrement levé, la correction s’exécute avec aisance.

Dans un texte compact, on doit, après avoir écarté les lettres voisines, saisir la lettre à changer par les flancs, c’est-à-dire dans le sens de, l’épaisseur ; dans une composition interlignée, il est plus expéditif, si la lettre est de grosseur moyenne, de la saisir dans le sens de la force du corps.

Manœuvrées avec dextérité et précaution par un ouvrier soigneux, les pinces peuvent être complètement inoffensives pour le caractère. Malheureusement trop de compositeurs en font le complice ou, plutôt, l’exécuteur d’une œuvre néfaste. Malgré tous les conseils, ils conservent l’habitude déplorable, de « corriger sans délier ». Les lettres étroitement bloquées les unes contre les autres n’offrent qu’une prise minime aux pinces : celles-ci, dont les extrémités sont parfois faussées ou éraillées, enserrent mal la lettre ; malgré un effort de pression plus considérable des doigts, les pinces échappent la lettre : elles glissent, à vide, non sans avoir auparavant égratigné parfois gravement un œil jusque-là irréprochable, et qu’il faut se résoudre dès lors à mettre à la fonte.

Autrefois, au lieu de pinces, on utilisait exclusivement la pointe : après avoir levé légèrement la ligne ou le mot à rectifier, l’ouvrier piquait sur l’un des flancs les lettres fautives, dégagées de leurs voisines, et les soulevait à l’aide des doigts de la main gauche. La pointe maniée avec précaution ne paraît pas devoir être plus néfaste au caractère que les pinces, et nombre de vieux typographes l’utilisent encore de préférence à celles-ci.

Quelques fabricants ont, d’ailleurs, combiné, pour la correction, un modèle d’outil comportant à la fois les pinces et la pointe : parfois la pointe est placée à l’extrémité des pinces, c’est-à-dire à la tête, de manière fixe ; d’autres fois, la pointe, pivotant sur l’axe qui la fixe, peut, après le travail, venir se loger entre les deux branches des pinces.