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En dehors des indications générales données plus haut, le fondeur prépare en effet sa matière comme il l’entend et de manière à donner satisfaction aux désidérata exprimés par sa clientèle.

La qualité de l’alliage employé pour la fonte doit être, de la part de l’imprimeur, l’objet d’un sérieux examen : la durée d’un caractère, par conséquent son prix plus ou moins élevé, est en effet fonction directe de cette qualité.

On peut se rendre compte grosso modo de la qualité de la matière utilisée pour la fonte d’un caractère :

Si on brise quelques lettres, la rupture est nette, d’un grain brillant et très fin, lorsque la fonte est de bonne qualité. En appuyant les doigts, doucement, sur les extrémités de la lettre, afin de la faire faiblir sous la pression sans la casser, la matière a du corps, suivant l’expression employée en fonderie, si elle ploie seulement, sans se fausser. Lorsque le compositeur distribue une fonte neuve, une bonne matière doit, en tombant dans le cassetin, rendre un son métallique[1].

Au contraire, les fontes de qualité inférieure donnent un son mat, sourd. Entre les doigts, la lettre de ces fontes, se déformant, ploie à angle droit sans risque de rupture ; la lame d’un canif y pénètre grassement, et on détache facilement de longs copeaux sans que la matière fasse entendre le grincement métallique qui indique dans l’alliage la présence d’un corps dur.


IV

FONTE DU CARACTÈRE


Préparée, justifiée comme on l’a vu plus haut, la matrice est prête à être placée, dans la machine à fondre ou dans le creuset, devant le moule qui donnera le corps à la lettre.

Durant de longues années, depuis l’origine de l’imprimerie jusqu’au début du xixe siècle, la fonte des caractères se fit à l’aide du moule à

  1. Le Règlement du 8 Février 1723, en son article LX, obligeait les fondeurs à fournir « de bonnes matières fortes et cassantes » : « Les Caractères d’Imprimerie, et tous les Ornemens de Fonte en dépendans, seront faits de bonnes matières fortes et cassantes. Les Fondeurs à qui les Imprimeurs fourniront de vieilles matières, seront tenus de les renforcer ensorte qu’elles soient de même fortes et cassantes. »