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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

aucune idée de ce que devait être la correction d’un livre… » Songer à discuter les idées de M. Firmin-Didot serait pure outrecuidance : trop de distance en toutes choses nous fait inférieur à ce savant et illustre imprimeur ; il faut avouer, cependant, qu’une telle affirmation : « on n’avait aucune idée… » rabaisse singulièrement le rôle et la valeur de tous les devanciers de Robert Estienne. Point n’était besoin, pour combattre la thèse, peut-être exagérée, de M. Renouard, d’élever à son encontre une thèse non moins outrée qui aurait pu rencontrer contradicteur aussi qualifié.

Il semble, d’ailleurs, que certains écrivains ont dénié presque systématiquement aux lettrés qui présidèrent aux premières productions de l’imprimerie les qualités et les capacités qu’ils accordent avec une libéralité fort partiale aux érudits de leur époque ou à leurs écrivains favoris. Ainsi, déjà au xviiie siècle, un autre auteur Prosper Marchand[1] soutenait une thèse qui par maints côtés se rapproche de celle de Firmin-Didot : « … Mais c’est une erreur grossière que plusieurs habiles gens ont parfaitement bien démontrée, en prouvant que beaucoup d’entre elles [les éditions anciennes] ont été non seulement faites sur de mauvais manuscrits par des imprimeurs tout-à-fait incapables d’en juger, mais encore fort corrompues par l’ignorance et la témérité de divers éditeurs et correcteurs, gens alors plus titrez qu’habiles et bien instruits. Comme c’est là une espèce de blasphème littéraire contre lequel ne manqueront point de se récrier fortement, et les vendeurs, et les curieux d’anciennes éditions, il est absolument nécessaire de le prouver par des autoritez respectables… Bien loin donc que ces éditions anciennes soient légitimement dignes de cette préférence, « Je ne crains point de dire, au contraire, affirme, Richard Simon[2], « que, généralement parlant, plus les éditions des Peres sont anciennes, moins elles sont exactes ; et qu’il en est de même de celles de tous les autres écrivains, en quelque genre que ce soit. » Et c’est ce que Mrs. Heumann[3], Seclenius[4], et Schelhorn[5] reconnoissent de même en ces termes : Falluntur, qui sibi persuadent, primis exortæ Typogra-

  1. Histoire de l’origine et des premiers progrès de l’imprimerie, p. 103 et suiv. (La Haye, 1740).
  2. Biblioth. critique, t. I, p. 256.
  3. Conspectus Reipublicæ litterariæ, p. 291.
  4. Selecta litteraria, p. 585.
  5. Amœnitates litterariæ, t. I, p. 12.