Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/555

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La création, par lettres patentes du 1er juin 1618, de la Communauté des Libraires, Imprimeurs et Relieurs devait, semble-t-il, aggraver la situation. « Chargée de veiller à l’exécution des règlements » qui régissaient la corporation, elle crut bien faire en sollicitant maintes fois des mesures de rigueur et contre les maîtres et contre les compagnons qui enfreignaient les lois.

Les Registres de la Communauté, à l’aide desquels il est aisé de connaître l’état d’esprit des ouvriers et des patrons sont suggestifs des bienfaits (?) de l’organisation corporative. En juillet 1653, la Communauté se plaint « du peu de respect et du désordre que commettent les compagnons ». — Le 5 février 1654, elle demande conseil à ses membres sur les plaintes journalières « des désordres que commettent les compagnons, tant pour les prix qu’ils exigent que pour leurs desbauches ». Le 12 février suivant, elle s’adresse au Parlement « pour réduire et maintenir en leur debvoir les compagnons imprimeurs », « d’autant plus insupportables et insolents qu’ils se voyent plus nécessaires ». — Et, le 14 juillet de la même année, un arrêt du Parlement, rendu sur la demande de la Communauté, défend à nouveau « aux ouvriers à la tâche de quitter l’atelier avant d’avoir prévenu l’imprimeur huit jours avant et de se présenter sans certificat chez un autre maître » ; « les compagnons en conscience, c’est-à-dire employés au temps, sont tenus de prévenir leur maître un mois avant de le quitter ». Le maître qui embauchait un compagnon sans exiger le certificat était puni d’une amende. « Quant aux compagnons, ils pourraient être contrainctz par emprisonnement de leur personne, sans aucune forme ni figure de procès… sur le simple réquisitoire desdictz maistres. »

Il ne faut pas croire que c’était là pure et vaine formule. De nombreuses décisions prouvent que la menace était réelle. « En 1706, les Oudot, à Troyes, sont accusés d’avoir fait « enlever » un ouvrier nommé Jullien de chez Jacques Febvre l’aîné » ; un acte notarié enregistre la conciliation qui met fin à cette plainte. — En 1724, une sentence de justice « ordonne au compagnon Raymond de rentrer chez le sieur David qu’il avait quitté sans billet et condamne le sieur Quilleau qui l’a pris à 3 livres de dommages-intérêts par chaque jour qu’il l’a gardé ».

Chose extraordinaire : les maîtres qui se plaignent et réclament sans cesse des mesures de coercition, les compagnons qui protestent