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eminé. Ce contrat pouvait être de deux sortes : à temps, c’est-à-dire pour une période fixe, dont l’expiration mettait fin ipso facto au contrat ; ou pour un travail désigné, et alors le contrat se prolongeait avec l’œuvre elle-même.

Sans nous préoccuper ici de savoir exactement de quelle nature furent les engagements de Jean de La Pierre, de Guillaume Fichet, de Pierre-Paul Vieillot, d’Erhard et de Guillaume Tardif, nous pouvons dire que de très bonne heure dans notre corporation le contrat de travail fut un acte solennel. Il n’était point, comme à l’heure actuelle, une simple convention verbale entre deux personnages, l’employeur et le futur employé, dont le seul souci est de connaître « s’il y a du travail », et dans quelles conditions. Le contrat était un acte écrit, notarié, passé en présence de témoins (ou de répondants pour l’apprenti[1]). Il énumérait soigneusement les conditions du travail : durée de la journée, objet du travail, nature et quotité du salaire ; il prévoyait, en cas de rupture prématurée du contrat, une indemnité en faveur du maître qui avait strictement satisfait à ses obligations ; il fixait un terme à l’engagement.

Les premiers contrats qui nous sont parvenus se conforment scrupuleusement à ces pratiques en usage dans les anciennes corporations.

En 1504, à Auxerre, un apprenti s’engage pour trois années. Son maître doit lui enseigner le métier ; en outre, il lui promet une rémunération de 100 sols tournois, une paire de chausses et une chemise. Mais l’apprenti devra donner à son maître une indemnité de 15 livres tournois, s’il vient à le quitter avant l’expiration du contrat.

  1. « 1er septembre 1592 : Contrat de mise en apprentissage par François Durelle, maître imprimeur, citoyen de Lyon, de Jacques Durelle, son filz, chez Jehan Gillet, aussi maître imprimeur audit Lyon, pour le temps et terme de troys ans et demy commençant ledit jour 1er septembre pendant lesquels ledit Jacques sera au service dudit Gillet, et ne pourra s’absenter sans cause légitime, sous peine de dépens, dommages et intérêts, sera nourri, logé et chauffé par ledit Gillet qui lui monstrera et enseignera sondit mestier d’imprimerie bien et deuement à son pouvoir, et ce pour la somme de 6 écus dont ledit Durelle a payé 3, avec promesse de payer les 3 autres à la fin de la première année, moyennant laquelle ledit Gillet promet entretenir ledit Jacques, selon sa qualité durant ledit temps. » [Bibliographie lyonnaise, 10e série, p. 322 (Combet, not., A. N.).] — Jean II Gillet était en 1580 compagnon imprimeur à Lyon ; dans un acte de 1586, il est qualifié imprimeur ; en 1594, il travaillait pour « les frères Gabiano » ; il quitta Lyon pour aller s’établir à Montpellier, puis à Orange. — François Durelle, compagnon imprimeur avant 1557 (étant vers 1535), parvint à la maîtrise vers 1565 ; neuf fois il fut élu syndic des maîtres imprimeurs lyonnais. Son fils, Jacques Durelle, étant né vers 1579, aurait eu treize ans environ lors de la signature du contrat qui fit de lui un apprenti.