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supposer que le détail rapporté par M. Mellottée indique une lecture aux pièces dont le maître imprimeur, connaissant le nombre de mille lettres entrant dans la composition, avait pu calculer exactement le coefficient de revient.

Avant d’aborder l’étude des salaires à l’époque contemporaine, la nécessité s’impose de résumer brièvement par une courte conclusion ce long exposé de la situation des ouvriers de notre corporation sous l’ancien régime.

L’un des auteurs que nous avons le plus volontiers, et avec le plus de fruit, consulté, M. P. Mellottée[1], nous dit ainsi son sentiment sur cette situation : « Les compagnons imprimeurs eurent toujours des salaires très nettement supérieurs à ceux de tous les autres ouvriers des époques que nous avons envisagées. Ils gagnaient en moyenne 6 sols 6 deniers (4-5 francs), lorsque les ouvriers des autres corporations recevaient 3 et 4 sols (2-3 francs); ils avaient 2 livres (5 fr. 50-6 francs) au xviie siècle, au lieu de 12 à 15 sols ; 3 livres (6 fr. 50-6 fr. 90) au xviiie siècle, lorsque dans les autres métiers on gagnait 15 à 20 sols.

« Il ne faut pas oublier certainement que les compagnons imprimeurs étaient d’un degré supérieur à leurs camarades des autres métiers, qu’il fallait une instruction qu’on ne retrouvait pas chez ceux-là, et nous serons certes les derniers à méconnaître leur capacité professionnelle et à contester qu’ils ne méritent point d’être avantagés.

« Cependant il était bon d’établir assez exactement leur situation, afin de faire justice de leurs plaintes perpétuelles qui tiennent plus à la nature même de l’esprit humain, jamais content de son sort, qu’à une réalité de fait. »

La situation des compagnons imprimeurs vue sous cet aspect, à de longs siècles d’intervalle, est-elle l’expression de l’exacte vérité ? Nous aurions aimé le penser, et surtout le croire. Malheureusement, à l’encontre de l’opinion de M. Mellottée, le biographe de Plantin apporte un témoignage formel et irrécusable, car il est tiré des livres de comptes mêmes du grand imprimeur anversois : « Un fait qui, tout indiscutable qu’il soit, paraît à peine croyable, c’est que les ouvriers

  1. Histoire économique de l’Imprimerie, t. I, p. 322. — M. P. Mellottée est, à Châteauroux et à Limoges, l’un de nos plus réputés maîtres imprimeurs de province.