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« à tant la feuille, il récupérait sur l’une de ces fonctions ce que l’autre pouvait avoir de désavantageux[1] ».

Ce système hybride devait donner naissance à des plaintes nombreuses, en raison des multiples fonctions étrangères au travail proprement dit[2], auxquelles le compositeur était astreint : les doléances des compagnons sur « la misère à laquelle ils sont réduits par l’avarice desdicts maistres sont incessantes dès les premières années du xvie siècle. Les récriminations prirent même parfois un ton si violent, particulièrement au cours de la grève lyonnaise de 1539, que le Pouvoir crut devoir intervenir.

Le roi pensait, peut-on supposer, que les règles tracées par lui, en cette circonstance, puis modifiées en 1571, fixeraient à jamais pour l’imprimerie une limite à des réclamations dont les autres corporations pourraient prendre prétexte pour élever de semblables prétentions et créer un état de choses dangereux pour l’ordre public[3]. Mais les compagnons, encouragés par les quelques résultats heureux obtenus ou excédés des injustices commises à leur égard — les deux opinions sont également vraies — n’eurent garde de se considérer « tenus à tousjours » par les termes d’édits que les rois déclaraient « perpétuels et irrévocables ». Les requêtes, les mémoires, les remontrances, les monopoles, les grèves furent les armes pacifiques ou violentes dont les ouvriers firent tour à tour usage pour appuyer leurs demandes et obtenir une solution conforme à leurs désirs. Et l’autorité royale qui, une première fois, avait cru pouvoir, pour le bien du « noble art » et la sauvegarde des intérêts généraux, intervenir dans un conflit essentiellement corporatif, dut jusqu’à la fin de l’ancien régime arbitrer des sentences dont fréquemment l’une ou l’autre des parties chercha à éluder les prescriptions.

Ce n’est que grâce à ces actes des autorités de l’ancien régime qu’il

  1. D’après L. Radiguer.
  2. Elles augmentèrent sans doute avec le temps ; Bertrand-Quinquet les énumère soigneusement et insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de tenir la main à leur exécution.
  3. On craignait que la rébellion des compagnons imprimeurs ne fût imitée par d’autres corps d’état : « Car c’est donner, disait François Ier, un exemple et occasion aux autres compagnons et serviteurs de métier qui sont en notre royaume de faire quelquefois le semblable, qui est un vrai fondement et entretènement de mutineries et séditions qui tournent à la fin au grand détriment de la chose publique, » (D’après H. Hauser, Ouvriers du temps passé, p. 233.)