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plus de vingt fautes que la vigilance du correcteur en premières a relevées en partie ; quelques-unes ne pouvaient-elles lui échapper ? Certes, le correcteur ne mérite point d’assumer les conséquences de telles erreurs : il n’a point la science infuse, il n’est point chargé de la rédaction du texte ; on lui demande d’être tout, et on lui clame par les cent bouches de la Renommée qu’il n’est rien. Est-ce logique ?

Et faut-il sur de telles épreuves juger la valeur du correcteur de premières ?

2° À l’encontre des précédents, nombre d’auteurs — ce n’est un secret pour personne — couvrent leurs épreuves de corrections ; le style n’est jamais parfait, et, suivant le conseil du poète, « vingt fois sur le métier ils remettent le travail » ; ils ajoutent, ils retranchent, ils modifient ; l’imagination aidant, et le désir d’une précision plus grande s’imposant, ils remplacent une expression jugée insuffisante par une autre qui ne vaut guère mieux ; ils intercalent un renvoi et composent sur les marges une longue note explicative ; près d’un nom ils insèrent un adjectif impressionnant ; ils font un alinéa ici, en suppriment un autre là ; dans cette ligne ils enlèvent une conjonction ; dans la suivante, ils ajoutent un mot, un tout petit mot ; des expressions composées en romain sont sans raison apparente demandées en italique ; celles en italique sont exigées en romain à l’encontre de toutes les règles typographiques. La ponctuation est entièrement « revue et corrigée » : où il y avait un point, un point et virgule a été jugé suffisant, nécessitant la minuscule au mot qui suit ; par contre, où il y a un point et virgule, l’auteur juge indispensable un point, entraînant la grande capitale ; le point d’exclamation et le point d’interrogation sont maintes fois confondus ; les virgules sont semées à profusion, séparant sans pitié le verbe de son sujet, l’attribut de son complément explicatif ou déterminatif. De sorte que le travail est, en définitive, tout autre que celui proposé par la copie primitive.

L’auteur vient lui-même remettre les épreuves au patron ou au directeur ; ou bien il accompagne cette épreuve d’une lettre, dans laquelle il manifeste son mécontentement des nombreuses corrections, des « étourderies impardonnables, qu’on a laissées ». M. On n’est point présent, aussi notre correctomane a beau jeu avec les épreuves qu’il soumet : « des hachures multiples, des flèches fuséiformes rayent les