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le Second Livre de la Description des Animaux ; et, en 1553, l’Epitome de la Chorographie d’Europe dont des événements regrettables vinrent malheureusement interrompre la publication. Peut-être à l’instigation de Guéroult, un adepte de la nouvelle religion, Michel Servet (qui se cachait sous le nom de Michel de Villeneuve), avait obtenu l’autorisation tacite d’imprimer clandestinement à Vienne en Dauphiné, sous le nom d’Arnoullet, un ouvrage nettement « réformiste » intitulé Christianismi Restitutio. L’édition était à peine achevée qu’une dénonciation parvenait à l’autorité ecclésiastique et aux pouvoirs publics : Arnoullet, coupable de complaisance, était emprisonné ; Michel Servet passait en Suisse ; et Guéroult retournait à Genève près de Simon du Bosc. De cette dernière ville, Guéroult eut le grave tort d’intenter à son beau-frère un procès pour lui réclamer ses gages. Arnoullet répondit aussitôt : « Mettez en avant que ledict Gueroult demande faulsement,… ne lui est due toute la somme qu’il demande. Et pour recompense davoir nourry la femme de Gueroult trois ans entiers et luy entretenu comme ma personne en nostre maison en lui baillant guages pour faire ce que jeusse faict faire a dapprentifs en la correction qui en ont plus aprins en un an quil nen a aprins en troys ans. » B. Arnoullet avait oublié les services de Guéroult, il ne voulait se souvenir que de ses torts ! Ceux-ci ne devaient pas cependant être si graves, et les capacités de Guéroult devaient être plus appréciables que ne le prétendait Arnoullet, puisque, après 1556, époque à laquelle eut lieu la mort de ce dernier, Guéroult, rentré en grâce auprès de la famille Barbou, était de nouveau correcteur chez sa belle-sœur la veuve de Balthazar Arnoullet[1].

La vie de Cornelis Kiliaan[2] nous offre un autre exemple frappant de cette situation anormale : Plantin et ses successeurs n’apprécièrent point à leur juste valeur les mérites de Kiliaan ; ils laissèrent dans l’obscurité et oublièrent volontairement, semble-t-il, dans leurs cartons les œuvres de ce correcteur érudit qui ne virent le jour et ne connurent qu’à notre époque la juste célébrité à laquelle elles avaient droit. Non seulement Kiliaan fut mal payé, mais il était régulièrement inscrit parmi les ouvriers de l’imprimerie. Quand Plantin envoyait

  1. Bibliographie lyonnaise, 10e série, p. 91.
  2. D’après Max Rooses, Christophe Plantin, imprimeur anversois, p. 190.