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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

Les libraires jurés de l’Université — il en existait près de 6.000 non jurés, nous dit-on — qui reçurent le titre de « clercs libraires », étaient pour la plupart des savants fort instruits, qui maintes fois furent auteurs ; ils donnaient aux copistes les textes à transcrire, faisaient orner les livres de riches enluminures, puis les mettaient en vente après les avoir reçus du relieur.

« Ces clercs en librairie, jurés de l’Université », auxquels il était donné d’user des nombreux privilèges et des prérogatives attachés au titre de « suppôts », c’est-à-dire de subordonnés de l’Université, furent assujettis à nombre de règlements : fort zélée, maintes fois peut-être trop zélée, l’Université ne néglige aucune occasion de faire usage de la juridiction qu’elle possède sur les copistes et les libraires ; et des prescriptions fort sévères sont édictées dans le but de réglementer le commerce des livres et de conserver la pureté des textes.

Les lettres du recteur de l’Université de 1275 portent que tous ceux qui veulent se livrer au commerce du livre sont tenus de prêter serment à toute occasion ; ils doivent justifier de leur moralité (vir bonæ famæ), remplir des conditions de capacité non strictement définies, mais constatées par un examen et que l’on devine assez importantes, tant au point de vue littéraire que commercial (vir sufficientis litteraturæ, quod librorum notitiam in valore) ; il leur faut, enfin, ainsi que le rappelle le règlement de 1323, fournir, à titre de garantie, une caution de 100 livres et payer des droits de réception élevés.

À l’instar de Dioclétien, l’Université limite le gain des libraires, qu’elle fixe à 4 deniers par livre, afin d’empêcher l’élévation croissante des prix de vente au public ; elle fait, en outre, défense de cacher les manuscrits dans l’espoir d’en faire hausser la valeur ; plus tard, en 1323, elle renforce ces premières prescriptions en interdisant « aux libraires de refuser la location des manuscrits ou même l’autorisation d’en prendre copie lorsqu’une bonne et solvable caution est fournie ».

Mais, préoccupée aussi de veiller à la nature et à l’exactitude des livres, elle prohibe la vente et la location de toutes les œuvres qui, auparavant, n’ont pas été lues et corrigées par elle. « Les libraires jurés devaient apporter les copies aux députés des facultés de la science desquels les livres traitaient, pour les revoir avant d’en afficher la vente ; ces livres, après avoir subi toutes espèces de formalités, étaient encore exposés dans la salle des Frères Prêcheurs où chaque universi-