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protes, correcteurs et compositeurs passibles de peines, comme les maîtres, pour l’impression de livres prohibés ou non revêtus de l’approbation ».

La responsabilité des correcteurs n’était point illusoire ; sans doute, certains patrons devaient-ils dès lors tenter de rejeter sur leurs subordonnés les conséquences de leurs négligences ou de leur mauvais vouloir personnels. Aussi est-il intéressant de connaître quelles raisons les maîtres donnèrent parfois du manque de soins apporté par eux à la correction.

En 1539, les maîtres imprimeurs de Paris adressaient au roi une humble supplication, disant que leur art si précieux « pour acquérir science à l’honneur et louange de Dieu », pour développer la foi, avait toujours prospéré « jusques puis aucun temps en çà que les compaignons et ouvriers dudict estat de imprimeurs besognans soubz lesdits maistres, au moyen de certaine confrairie particulière, qu’ils ont eslevée entre eux, ont, par monopolle et voye indirecte, faict délibération de ne besongner avec les apprentifs, qui pourroit causer la perdition et discontinuation dudict estat, font bancquetz des deniers qu’ilz tirent des apprentifs, leur font faire serment tel qu’il leur plaist. Et au moien de ladicte confrairie, assemblée et monopolle que par cy-devant… l’estat venu en augmentation tumbe et vient en discontinuation et destruyement, et les livres incorretz et mal imprimez[1]… »

Ainsi, par-devant le roi, les maîtres imprimeurs rejettent sur la classe ouvrière toute la responsabilité d’une situation qui paraît assez grave. Peut-être peut-on dire que, pour la première fois dans notre corporation, le patronat, dans ce plaidoyer pro domo, portait contre les ouvriers l’accusation déguisée de ce que nous appelons sabotage.

Pour remédier aux abus qu’ils avaient longuement signalés, les imprimeurs sollicitaient du roi « de convertir en loi une suite de prescriptions » dont ils avaient eu soin de rédiger eux-mêmes le texte. « Le roi fit siennes toutes ces prescriptions et, sous la forme d’un édit, rendu le 31 août 1539, à Villers-Cotterets, en ordonna l’exécution. Malgré l’opposition des compagnons, l’édit fut enregistré au Châtelet, le 13 septembre suivant. » — Les correcteurs n’étaient pas oubliés,

  1. D’après J. Radiguer.