du matin au soir, et quelquefois durant la nuit, les épreuves d’un livre ou d’un journal ? Leur profession est bien pénible, et elle exige des qualités qui ne sont pas communes. Il leur faut suivre, d’un œil attentif, les moindres erreurs qui peuvent porter sur l’orthographe des mots, sur la forme des caractères, sur la ponctuation, sur le numérotage des feuilles et des pages, et cela dans une variété presque infinie de sujets ; quelquefois, soumettre à l’auteur lui-même des changements utiles, auxquels il n’a pas pensé ; tenir sans cesse à la main la copie manuscrite, le Dictionnaire de l’Académie, qui fait autorité dans les typographies pour mainte question douteuse. Les yeux se fatiguent vite, et la santé s’use à une telle besogne. On n’y peut guère suffire jusqu’à la vieillesse. Quelques-uns de nos modestes correcteurs sont de véritables savants, possédant plusieurs langues et les éléments de plusieurs sciences ; ils deviennent ainsi de justes conseillers pour les auteurs, et ceux-ci, trop souvent, sont ingrats envers eux, et trop prompts à les blâmer d’une sévérité quelquefois indiscrète, que compensent tant d’autres précieux services. »
On nous pardonnera de nous être attardé à rappeler si longuement la considération dont nos ancêtres — maîtres imprimeurs, humanistes, grands de ce monde — entourèrent le correcteur. À écrire ces lignes, à évoquer ces événements, il nous semblait vivre la vie de nos devanciers, nous féliciter de leurs honneurs, nous réjouir de leurs succès et — on nous excusera de cet excès de sensibilité — pleurer avec eux sur leurs misères.
II. — Leurs misères.
Leurs misères ! À beaucoup le mot paraîtra un peu osé ; il n’est cependant que l’expression fidèle d’une situation qu’il serait illusoire de vouloir céler.
Il n’est point nécessaire de rappeler ici les plaintes dont furent victimes les imprimeurs lyonnais dès les origines de l’imprimerie, et les mesures rigoureuses qu’ils furent dans la nécessité d’envisager pour sauvegarder leurs intérêts.