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alourdi cependant de nombreuses abréviations. Le prieur apprécia, sans doute, très vivement cette délicatesse.

Les correcteurs qui, sur la demande ou à l’instar de La Pierre, travaillèrent pour l’atelier de la Sorbonne et, plus tard, pour le Chevalier au Cygne et pour le Soleil d’Or, eurent la satisfaction de voir leur nom figurer, à l’exemple de celui de l’auteur, au frontispice ou à l’achevé d’imprimer de l’œuvre nouvelle. Il n’était point, sans doute, de récompense morale et matérielle égale à celle procurée au savant par cette brève mention, puisque cette coutume paraît avoir été générale au premier âge de l’imprimerie[1].

Les expressions les plus inattendues, les termes latins les plus énergiques sont, d’ailleurs, employés pour signaler, pour louer l’attention soutenue, l’effort véritable dont le correcteur fait preuve lorsqu’il « polit » le travail qui lui a été confié. Nous en avons déjà donné quelques exemples ; en voici encore, entre beaucoup d’autres, une preuve singulière : Latheron, qui de 1492 à 1521 exerça l’art d’imprimerie dans la capitale de la Touraine, « avait en 1513 transporté son matériel dans l’abbaye de la Trinité de Vendôme, pour y imprimer, sous les yeux du Chapitre, un Breviarium Monasterii Vindocinense[2] ».

    notre pays, choisirent la lettre romane. Disons, toutefois, qu’à leur départ de la Sorbonne, obligés de renouveler leur matériel, ils adoptèrent, lors de leur installation au Soleil d’Or, la forme gothique ; celle-ci devait avoir exclusivement les préférences des imprimeurs français jusqu’à la fin du xve siècle.
    xxxx Conrad Sweynhem et Arnold Pannartz, élèves de l’atelier de Mayence, s’étaient installés en Italie, au couvent de Subiaco, dès l’année 1467, dit-on ; imitant l’écriture employée par les humanistes italiens, ils avaient abandonné la lettre gothique de leur patrie et gravé des caractères romains. — Jenson, le graveur de la Monnaie de Tours envoyé par Charles VII à Mayence, s’installait à Venise vers 1470 et, perfectionnant la gravure de Sweynhem et Pannartz, créait des types merveilleux qui devinrent d’un usage général en Italie.
    xxxx En 1501, Josse Bade (p. 56), correcteur d’imprimerie à Lyon, venait s’établir à Paris, où il tenait d’abord (1503) boutique de libraire, puis quelque temps après (vers 1512) d’imprimeur. Il fut, dit-on, l’un des premiers, en France, qui songea, au xvie siècle, à substituer la lettre romane au caractère gothique. Un autre correcteur d’imprimerie Geoffroy Tory (p. 44), qui également fut libraire (1518) et imprimeur à Paris, lui aurait apporté, à partir de 1529, l’aide la plus efficace. Sous l’influence de ces deux lettrés, liés d’amitié et en correspondance suivie avec tous les érudits, avec tous les imprimeurs et les libraires de leur époque, les types gothiques furent enfin définitivement abandonnés en France et remplacés par des caractères romains.
    xxxx En 1502, un libraire de Lyon, appelé Balthazard de Gabiano, pour la reproduction des œuvres de Virgile, d’Horace, de Juvénal, etc., éditées par Alde Manuce, copiait les caractères dénommés aldins (p. 61).

  1. Voir chap. II, p. 42, 43, 45 et suiv., et ce même chapitre, p. 437.
  2. Cet ouvrage, dont la Bibliothèque municipale de la Ville du Mans possède un