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de vue typographique, il examine la phrase au point de vue littéraire ; il s’assure encore que telle information, tel événement n’a pas été déjà présenté sous une forme différente, que telle coupure ne contredit pas telle autre ; il n’oublie pas surtout que tel fait dont l’avènement est annoncé comme prochain par un journal, peut être accompli à l’époque où un autre journal le reproduit[1].

C’est particulièrement dans la lecture des journaux que le correcteur, « à chaque instant, doit s’attendre à rencontrer un piège tendu involontairement à sa vigilance ». S’il doit dès lors régler en conséquence son attention sur cette éventualité, il se souviendra que le temps lui fait défaut pour résoudre à loisir tous les doutes auxquels son esprit peut être exposé, car il lui faut toujours lire vite, bien vite, très vite, sans avoir jamais le temps de revoir ses épreuves ou de reviser ses corrections.

Il est dans ces conditions « une mesure de prudence qui s’impose d’elle-même : inscrire les noms propres les moins connus, les expressions difficiles à retenir, les règles essentielles de la marche, sur un mémorandum toujours à portée de la main ». Ce mémorandum est, d’ailleurs, indispensable « si l’importance du journal exige le concours de plusieurs correcteurs », la copie pouvant être très partagée pour faciliter une exécution rapide du travail.

Nous aurions sans doute, en raison de cette exécution forcément hâtive du travail, « beaucoup de critiques à adresser à cette fièvre d’informations ultra-rapides, à cette course aux nouvelles, souvent plus ou moins fantaisistes, démenties le lendemain avec autant de désinvolture qu’elles avaient été annoncées la veille, dont nombre de grands quotidiens se sont fait une spécialité. Au point de vue professionnel, le seul qui nous intéresse, ce sera la moindre de nos

  1. « Que fait le rédacteur, alors ? » nous a-t-on objecté. — Nous convenons aisément que nombreux sont les correcteurs accoutumés au trantran du travail journalier qui s’étonneront des obligations que nous traçons ici au correcteur de journaux. Cependant combien, même parmi ceux qui se montreront les plus surpris, agissent ainsi que nous l’écrivons, lorsqu’il leur est donné « d’éplucher un canard » (!). Quel correcteur laissera passer deux fois le même fait divers, imprimer deux informations contradictoires, annoncer comme prochain un événement accompli ? « Que fait le rédacteur ? » Mais tout simplement le travail intellectuel qui incombe à un auteur. Et un correcteur de labeur n’a-t-il point à signaler à un écrivain les anomalies, les erreurs qui peuvent se rencontrer dans le texte ? Est-ce donc trop exiger que demander au correcteur de journaux qu’il ait, au cours du travail, une manière d’agir analogue à celle de son collègue des labeurs ?