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prochable d’un livre étant l’une des plus solides et des plus réelles qualités qu’il puisse présenter », on ne saurait négliger aucune des circonstances où il est donné de parfaire celle-ci, et la tierce est la dernière, l’ultime, de ces circonstances.

Sur ce point, d’ailleurs, nos ancêtres nous ont donné de nombreux conseils et maints exemples, dont il n’est pas inutile de rappeler au moins quelques prescriptions. Le prote rédacteur de l’article Imprimerie de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert écrivait à ce sujet : « L’imprimeur porte la tierce avec la dernière épreuve au prote, qui examine avec attention si rien ne barbouille, si la marge est bonne, si toutes les fautes marquées par l’auteur ou le correcteur sur la dernière épreuve ont été exactement corrigées, et s’il n’y a point dans la forme de lettres mauvaises, dérangées, hautes ou basses, tombées, etc. S’il y a quelque chose à corriger, le prote le marque sur la tierce… » — Un quart de siècle plus tard, Bertrand-Quinquet disait à son tour : « Le prote, qui sent l’importance de ses devoirs, ne se contente pas de confronter ou collationner la dernière épreuve ou la tierce, c’est-à-dire la première bonne feuille tirée, quand les imprimeurs sont en train. Fréquemment, il arrive que la forme est mal serrée, que des lettres se déplacent, et surtout quand l’ouvrage est interligné, que les bouts de lignes lèvent ou baissent ; rien de tout cela n’est marqué à l’épreuve, une simple collation ne permet point qu’on s’en aperçoive, et les imprimeurs, qui comptent sur les soins d’un prote quelquefois inattentif, roulent sans se douter que chaque feuille qui sort de dessous presse atteste à la fois l’insouciance du directeur de l’imprimerie, l’ignorance ou l’incurie des hommes auxquels il a donné sa confiance[1]. »

Ainsi nos ancêtres ne négligeaient ou avaient la prétention de ne négliger aucun des détails qui pouvaient contribuer à assurer une revision soignée de la tierce. De nos jours, sans doute on s’efforce d’agir de même, mais trop souvent, pour obtenir un résultat parfait, le « temps fait défaut ». S’il est nécessaire en effet que la vérification d’une tierce soit bien faite, à notre époque il est surtout indispensable qu’elle soit vivement faite : en aucun cas, le tierceur ne saurait « faire attendre

  1. Traité de l’Imprimerie, p. 112.