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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

Au point de vue industriel et commercial — deux situations dont il doit subir les inconvénients et apprécier les avantages — le patron peut ainsi, en toute sécurité, à l’abri de tout reproche, jouir des fruits de son travail.

Mais les exigences de l’art, la réputation d’une Maison, les satisfactions d’un amour-propre patronal et ouvrier méticuleux à l’excès ne sauraient s’accommoder de cette limite prudente, imposée à des exigences parfois déraisonnables. À l’auteur qui s’efforce de produire une œuvre impeccable l’imprimeur est tenu moralement d’apporter une aide efficace, à laquelle aucune règle ne peut fixer de barrière[1].

Nombre d’auteurs sont aptes, sans doute, à produire un travail irréprochable au point de vue typographique, comme au point de vue littéraire et scientifique. — Mais combien ont mis au jour des chefs-d’œuvre, qui étaient incapables de lire correctement même une seule page de leurs travaux. Et combien n’auraient pu tirer le moindre honneur ni le moindre profit de leurs écrits, si, soucieux du fonds autant que de la forme, le maître imprimeur n’avait amené le texte au degré de perfection voulu. ·

« Imbu de son sujet et de ses phrases, l’auteur lit, malgré lui, beaucoup plus entre les lignes que mot à mot, sans se douter de la facilité avec laquelle coquilles, doublons, bourdons et autres erreurs échappent à son œil inexercé. » Trop souvent une lecture d’auteur est ainsi, pour l’épuration d’un texte, complètement illusoire ; et, si l’imprimeur veut produire une œuvre qui, à ce point de vue, lui donne profit et réputation, il « ne peut compter que sur la correction soigneuse du correcteur en bon ».

Une lecture en bon doit en effet être faite non seulement au point de vue de la forme, mais aussi de l’idée. « Le correcteur a besoin dès lors de faire appel à toutes ses facultés à la fois, à toutes ses connaissances grammaticales, orthographiques et typographiques. Pendant qu’il s’efforce de reconnaître si la phrase qu’il lit est régulière et donne

    incombe le soin de redresser les erreurs de rédaction, et, s’il ne l’a pas fait, il est responsable de ses actes ; à l’imprimeur, le devoir de relever les fautes de composition.

  1. « Ce visa [les mots bon à tirer] n’affranchit pas l’imprimeur des soins qu’il doit à la correction typographique… » (G. Crapelet.)