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inférieur à sa tâche. Pour combler les lacunes de son éducation, il faut qu’il lise, qu’il étudie sans cesse, qu’il apprenne, qu’il compare, qu’il recherche l’origine des mots, qu’il sache leur signification exacte. Ainsi, au cours de son travail, il connaîtra le bien-fondé de l’emploi de chaque terme, sa place rationnelle dans la phrase et son… orthographe exacte.

IV. D’autre part, il serait pour le moins étrange de prétendre que la correction actuelle est analogue à celle du temps de Gutenberg. Tel fut cependant le paradoxe qu’en août 1867 le journal l’Imprimerie[1] essaya de défendre devant ses lecteurs :

… Sans doute, la correction est une des parties les plus importantes de la typographie, la plus importante même ; mais elle est stationnaire de sa nature : on corrige maintenant comme du temps de Gutenberg, et, tant que l’imprimerie existera, on corrigera ainsi. Quand on aura dit qu’il faut bien corriger les épreuves, chacun suivant les règles de sa langue, ce sera tout : pas n’est besoin d’un journal pour cela.

C’était, en vérité, pour un journal typographique, montrer une singulière ignorance de la question ou faire preuve d’un dédain non dissimulé. La réponse ne se fit pas attendre, et ce fut encore le journal l’Imprimerie lui-même qui dut la donner, dans son numéro de septembre 1867, sous la signature de M. Bernier, président de la Société des Correcteurs des Imprimeries de Paris :

La correction stationnaire de sa nature ! — Mais prétendre cela, c’est nier que le champ de la langue française ait vu, depuis un demi-siècle surtout, ses limites reculées d’une façon prodigieuse ! En vérité, c’est à croire que mon honorable contradicteur, comme la princesse du conte de fées, a dormi d’un profond sommeil pendant que s’édifiaient ces admirables monuments des nomenclatures scientifiques, dont chacune forme une langue à part ; pendant que les grandes découvertes de la chimie, de la physique, de la géologie, de la mécanique, etc., apportaient au français du xixe siècle un contingent immense, et qu’une langue nouvelle, la langue de l’industrie, s’imposait à la France devenue la pacifique rivale du Royaume-Uni !
xxxx N’est-il pas incontestable que ces mots, en nombre infini, qui, répondant à des besoins de chaque instant, ont acquis droit de cité

  1. Il ne s’agit pas ici de la revue l’Imprimerie (avant 1919, la Typographie française), organe de la Fédération française des Travailleurs du Livre, mais d’un périodique qui a cessé de paraître en août 1914.